La plupart des bâtiments du secteur commercial et institutionnel ont un profil de consommation électrique qui permet de profiter du chauffage électrique hors pointe. C’est d’autant plus vrai pendant la soirée et la nuit, lorsque d’importants consommateurs d’électricité, comme les systèmes mécaniques, les ordinateurs et l’éclairage, sont à l’arrêt ou à bas régime. Regardons de plus près les chiffres.
Coûts du gigajoule (GJ) de chauffage électrique hors pointe
Le tarif[*] M d’Hydro-Québec comporte un montant pour l’énergie en kilowattheures (kWh) consommée pendant la période visée de facturation d’un mois et un montant pour la puissance à facturer en kilowatts.
Pour l’année débutant le 1er avril 2018, le montant pour la puissance à facturer est de 14,46 $/kW et deux niveaux de prix du kWh s’appliquent, selon la quantité d’énergie consommée :
- 4,99 ¢/kWh pour les premiers 210 000 kWh par mois;
- 3,70 ¢/kWh pour les kWh suivants.
Le montant facturé pour la puissance correspond à la plus forte demande (en kW) enregistrée pendant 15 minutes consécutives dans le mois. Il est donc très avantageux de gérer la demande pour la maintenir la plus constante possible. Le chauffage électrique hors pointe permet de lisser la demande électrique afin de tirer un maximum de kWh pour une même demande en kW.
Nous appelons « tarif hors pointe » le tarif applicable à la consommation électrique qui ne crée pas une augmentation de la demande.
Comme 1 kWh = 0,0036 GJ et que le chauffage électrique standard fournit un rendement de 100 %, donc 1 kWh d’électricité fournit 0,0036 GJ de chauffage.
Le coût pour répondre aux besoins du chauffage avec l’électricité hors pointe est donc de :
- 13,86 $/GJ pour une consommation électrique mensuelle inférieure à 210 000 kWh;
- 10,28 $/GJ pour une consommation électrique mensuelle dépassant 210 000 kWh.
Coût du GJ de chauffage au gaz naturel
Un mètre cube (m3) de gaz naturel génère 0,03789 GJ. En tenant compte d’une efficacité moyenne de la chaudière au Québec de 85[†] %, 1 m3 de gaz naturel fournit 0,03221 GJ de chauffage.
Selon les données fournies par Énergir, le coût marginal du GJ (excluant les coûts mensuels fixes) pour répondre aux besoins de chauffage avec du gaz naturel est donc de :
Comparaison du coût marginal du chauffage au gaz naturel avec celui du chauffage électrique hors pointe au tarif M
Conclusion
- Pour les consommateurs de moins de 210 000 kWh par mois, le chauffage au gaz naturel est de 1,1 à 22,5 % moins coûteux que le chauffage électrique hors pointe.
- Pour les consommateurs de plus de 210 000 kWh par mois, le coût du chauffage au gaz naturel est de 4,5 à 33,3 % plus coûteux que le chauffage électrique hors pointe.
Discussions
Pour les consommateurs de plus de 210 000 kWh par mois, le chauffage électrique hors pointe est donc très économique et permet en plus une réduction radicale des émissions de gaz à effet de serre. L’utilisation d’accumulateurs thermiques, une technologie très simple et fiable, permet de maximiser cet avantage tarifaire et de chauffer le bâtiment en période de pointe avec de la chaleur produite en période hors pointe.
Les calculs ont été réalisés en prenant pour hypothèse l’utilisation d’un chauffage électrique standard (chaudières, fournaises, plinthes, aérotherme, etc.). L’aérothermie et la géothermie, qui ont des rendements de 200 à 300 %, permettent évidemment des coûts de chauffage bien moindres. Par exemple, un système de chauffage à thermopompes géothermiques ayant un coefficient de performance (COP) de 3 aura un coût de chauffage hors pointe de :
- 4,62 $/GJ pour une consommation électrique mensuelle inférieure à 210 000 kWh;
- 3,43 $/GJ pour une consommation électrique mensuelle dépassant 210 000 kWh.
Il est donc recommandé d’adapter les calculs à chaque bâtiment, selon les performances mesurées des équipements de chauffage en place (chaudières au gaz, thermopompes, etc.) et selon les tarifs réels de gaz et d’électricité. Pour optimiser les bénéfices du tarif d’électricité hors pointe, il faut éviter de créer une hausse de la pointe électrique. Il faut donc quantifier le potentiel d’énergie disponible hors pointe (sans appel additionnel de puissance) et le comparer à l’analyse du besoin d’énergie pour le chauffage électrique hors pointe.
Les engagements gouvernementaux en matière d’exemplarité de l’État des bâtiments institutionnels placent l’énergie renouvelable au cœur des stratégies de chauffage. La motivation première est de tracer la voie vers une nécessaire réduction massive des émissions de gaz à effet de serre (GES). Cependant, dans le but de concilier le facteur coût, dans le contexte tarifaire d’aujourd’hui, une combinaison des sources d’énergie renouvelable et d’énergie fossile est admise. Souvent méconnus ou sous-estimés, les bénéfices de cette combinaison peuvent être très avantageux même sur le plan économique.
Stéphan Gagnon, ing., CEM, LEED GA
Coordonnateur du service d’accompagnement technique, Direction des partenariats
Transition énergétique Québec
Membre du comité technique du Défi énergie en immobilier.
Avec la participation d’Énergir et d’Hydro-Québec
[*] Tarif approuvé par la Régie de l’énergie http://www.hydroquebec.com/affaires/espace-clients/tarifs/tarif-m-general-clientele-moyenne-puissance.html
[†] Énergir